Des espaces standards
En 1993 j'ai été chargé de la conception du design signalétique et mobilier de l'Aéroport International de Toulouse Blagnac. Le programme de ce projet comportait un enjeu particulier : créer, à cette occasion, une image d'entreprise aéroportuaire qui puisse caractériser et exprimer dans sa singularité l'aéroport international de la région Midi-Pyrénées afin qu'elle puisse s'insérer dans le jeu concurrentiel des "Images d'aéroports internationaux".
Il y a là, un paradoxe passionnant à résoudre dans le sens où l'exigence technologique, fonctionnelle et sécuritaire de tout aéroport contemporain génère un univers standard et, par conséquent, commun à cette classe d'équipements. La signalétique elle même, par sa vocation conforte la standardisation voire la banalisation des espaces mais aussi des comportements qui y sont attendus afin de gérer au mieux la fluidité et la cohérence des divers usages.
L'enjeu était donc le suivant, comment exprimer l'identité et la singularité d'une région tout en préservant la manifestation conventionnelle et sécurisante de l'univers standard propre à un aéroport moderne ?
Plutôt que de faire valoir l'expression locale d'une image a priori qui aurait décliné "Toulouse ville rose au coeur de la convivialité rurale et gastronomique de sa région", nous avons préféré élaborer une image qui, a posteriori, témoignerait d'une capacité locale et régionale à s'approprier et styliser les standards internationaux d'un tel équipement contemporain.
Autrement dit, il convenait de créer une image stylée des standards qui caractérise la position de la Région Midi-Pyrénées dans la modernité.
Déjà, la position architecturale du Cabinet ARCA, en charge du projet architectural, ouvrait la voie. L'édifice de l'aéroport a été conçu en effet comme une "porte de départ. Il est, au plan métaphorique, du côté de l'avion et du ciel, alors que d'autres - Séville par exemple - sont du côté de l'abri et du sol et sont conçus comme des "portes d'arrivée". Celui de Toulouse vous accueille pour l'envol, celui de Séville vous recueille à la terre. L'un est fait de métal, de verrières et de lumière, l'autre de brique, de voûtes et de pénombre: deux expressions locales différenciées pour un même équipement.
Nous n'avons pas cherché à créer des objets originaux dans leur mode d'apparition mais des objets qui s'effacent derrière leur vocation à instruire un système à usages fonctionnels et symboliques.
Pour autant, nous n'avons pas sacrifié ou réduit l'esthétique des objets à une sèche fonctionnalité. Nous avons pensé leur dessin dans la cohérence d'une abstraction stylistique qui permette un lien esthétique entre chacun d'eux tout en autorisant distinction et identité. L'entreprise aéroportuaire se trouve ainsi dotée d'un vocabulaire d'objets - signalétiques, mobiliers - et d'une syntaxe d'utilisation fonctionnelle et symbolique qui autorisent adaptation, transformation et évolution.